Les "petits maîtres" relèvent le défi
"Nous avons dans notre histoire de l'art une suite clélèbre de peintres "modestes" de leur vivant, sans maître et presque sans élèves, que l'on ne nommait, parce qu'on ne savait pas les classer, et qui sont aujourd'hui au plus haut de la renommée. Nous les appellerons simplement "les modestes"..." Ainsi, Bernard Pommier, président du premier salon d'art modeste d'Angers et peintre lui-même, expose-t-il (sans jeu de mot) le sens de la démarche dont il a pris l'initiative et qui a connu, ce week-end, un réel bain de foule.
"Si nous avions connu Gauguin et Van Gogh, aurions-nous acheté "les femmes de Tahiti" ou les "tournesols" ? "certainement pas", poursuivit Bernard Pommier, convaincu que l'art pictural est riche de "petits maîtres" obscures et méconnus.
Le but du Salon d'art modeste d'Angers est de leur permettre de sortir de l'anonymat. Car, pour être artiste, Bernard Pommier n'en est pas moins aussi un commercial. "Si j'avais un conseil à donner à un petit maître, précise-t-il en souriant, ce serait de faire HEC avant de faire les Beaux Arts.
Aucun misérabilisme donc dans la démarche du président qui lèves les bras au ciel dès qu'on évoque devant lui le couple maudit du marchand de tableau et du peintre bohème et sans le sou. Tout le problème pour les "modestes", est d'établir avec leurs acheteurs un rapport qualité-prix qui soit raisonnable, variant pour ce premier salon de 2000 à 5000F.
"Ne penser qu'à ça"
Le premier réflexe de Bernard Pommier fut de créer, dans les dates du salon d'automne, un Salon de "refusés". Plusieurs des 35 exposants du salon de la rue des Arènes, en effet, au cours des années écoulées, ont essuyé un refus poli du côté de la mairie. C'est le cas, notamment d'Yves Gruau (dont la peinture se situe entre les fauves et les expressionnistes) qui, pourtant bien avant Angers, avait conquis ses lettres de noblesse à Paris, au salon des Beaux Arts, puis aux artistes français et enfin aux indépendants. Mais ni Yves Gruau ni B. Pommier ni les autres n'entendent faire de leur première manifestation un salon de la revanche.
Bernard Pommier explique : "refusé, c'était péjoratif. Modeste ça me plaisait phonétiquement car cela faisait un peu "salon d'art moderne". Cela supposait aussi des prix modestes. L'essentiel est que les exposants vendent des toiles : c'est indispensable pour se motiver et progresser."
Condition posée par l'organisateur : que les artistes soient présents pour pour dialoguer avec le pubic. Aucun, bien sûr, de ceux qui exposent là ne vit de sa peinture. Mais tous ont en commun de "ne penser qu'à ça."
Aucun esprit polémique donc, à ce Salon des modestes, que l'on peut visiter jusqu'au 6 novembre, à la salle des ventes, 12, rue des Arènes.
Bernard Pommier convient cependant qu'il s'est "servi de la dynamique du Salon d'automne pour lancer sa propre dynamique". Et il ne cache pas ses projets : organiser à Paris, dès que possible, un salon permanent des peintres de province. A nous deux, Paris !...
Article paru dans Ouest-France, le 30 octobre 1989